02. Actualité marché

Les défis de l’innovation dans le domaine des énergies alternatives

Mathieu NAPOLI

Ingénieur d’affaires – Energies Alternatives ​pour la Mobilité  –  TotalEnergies

L’émergence d’énergies alternatives, autre que diesel, arrive pour le marché du transport en Europe. Pourquoi maintenant ?

Même si les acteurs du transport de marchandises (constructeurs, transporteurs, chargeurs, …) se préoccupent de plus en plus de l’impact de leurs activités et cherchent désormais des alternatives énergétiques moins polluantes, le contexte règlementaire est principalement à l’origine de cette émergence. 

Concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES), les constructeurs sont soumis à une règlementation qui leur imposera de vendre des véhicules de moins en moins émissifs. Dès 2025, ils devront atteindre -15% de gCO₂/tkm (gramme de CO₂ par tonne/km) par rapport à une référence basée sur les véhicules vendus entre juillet 2019 et juin 2020.  

En 2030 l’objectif est de -30% gCO₂/tkm par rapport à cette même référence. Les émissions étant mesurées à l’échappement, cela impacte toutes les motorisations thermiques, peu importe le carburant utilisé (notamment les biocarburants), au profit des technologies zéro émission à l’utilisation de type électrique ou hydrogène. 

Cette réglementation sera révisée fin 2022 et la profession s’attend à une sévérisation de ces objectifs, ce qui accélérera encore l’émergence des énergies alternatives. 

Pour la pollution locale issue des émissions de particules et de polluants, deux éléments sont très impactant : la norme Euro VII et l’émergence des zones à faible et à zéro émission (ZFE et ZZE). 

La norme Euro VII devrait être la dernière version de la réglementation sur les niveaux d’émission de polluants et de particules acceptables pour qu’un véhicule puisse rouler sur les routes. Euro VII sera plus sévère que la version actuelle Euro VI et impactera toutes les motorisations thermiques. Les véhicules zéro émission à l’utilisation (électrique et hydrogène) ne sont pas concernés par cette norme. 

L’émergence des ZFE et ZZE va même plus loin en interdisant l’accès à certaines géographies (des centres-villes par exemple) pour certains véhicules et à certains moments de la journée. Ce sera le cas du Grand-Paris qui interdira l’accès à la ZFE aux véhicules diesel à partir de 2024 et à tous les véhicules thermiques en 2030. 

Actuellement, le contexte réglementaire est donc très favorable, sur le long terme, aux technologies non thermiques comme les véhicules électriques à batterie et hydrogène. 

Dans ce cas quelle est la place des carburants bas carbone comme le biodiesel ou le biométhane ? 

Les biocarburants et autres carburants bas carbone ont plusieurs avantages. Ils réduisent significativement les émissions de CO₂, lorsque l’on étudie leur impact « du puit à la roue » ou sur la totalité du cycle de vie du véhicule. Ils sont compatibles avec les motorisations actuelles, sur un réseau d’infrastructures existant. 

Il est toujours possible que le contexte réglementaire puisse évoluer pour favoriser le développement de biocarburants. Récemment le Crit’Air 1* a été attribué aux véhicules roulant exclusivement au B100**, ce qui leur donne un avantage substantiel par rapport au diesel qui est Crit’Air 2 pour les accès aux ZFE (le Grand-Paris à partir de 2024, Grenoble en 2025 et Lyon à partir de 2026) 

Ils restent néanmoins désavantagés au niveau de la pollution locale par rapport aux technologies électriques à batterie ou hydrogène qui elles, sont zéro émission à l’utilisation. 

Les biocarburants et carburants bas carbone auront une place dans la transition énergétique. La question est de savoir quelle part leur sera réservée pour le transport routier de marchandise. 

En effet, électrifier l’ensemble des poids lourds est faisable, très difficile certes, mais techniquement possible. En revanche il est presque impossible d’électrifier des avions ou des tankers. Ces cas d’usage nécessiteront des carburants bas carbone, ce qui limitera les quantités disponibles pour le transport de marchandise. 

Toutefois, certains cas d’usage du transport lourd seront difficiles à électrifier (à batterie ou même à hydrogène), comme les engins de travaux publics ou de construction. Pour ces cas d’usage spécifique, si le contexte règlementaire le permet, il sera possible d’avoir des biocarburants comme solution pérenne. 

Le futur sera-t-il donc uniquement zéro émission à l’utilisation en Europe ? 

Le contexte réglementaire décidera de ce qui pourra être utilisé et il pourra toujours évoluer. Il y a tout de même des signaux faibles laissant penser que la majorité du transport lourd en Europe sera électrifié à terme (à batterie ou hydrogène). 

La fin de l’année 2022 sera clé avec la révision de la réglementation CO₂ pour les constructeurs, ainsi que la proposition de norme Euro VII.  

Dès lors, nous aurons une meilleure idée du niveau d’électrification du transport routier et à quelle vitesse il arrivera. 

Concernant la question que tout le monde se pose : « Electrique à batterie ou hydrogène ? ». La réponse est probablement les deux, et le choix se fera en fonction des cas d‘usage. 

L’électrique à batterie, nécessitant moins d’énergie primaire que l’hydrogène pour la même « mission », est déjà une solution utilisée pour les livraisons urbaines, pour des faibles charges/distances avec un retour à la base en fin de service. Pour faciliter l’implémentation de cette technologie pour les cas d’usage régionaux et même Long-Haul, Les défis seront l’émergence d’un réseau de recharge dédié, et l’inclusion de capacités de batterie plus importantes à un coût acceptable. 

L’hydrogène semble être le complément parfait de l’électrique à batterie, pour les cas d’usage où la demande en énergie est plus importante, et le besoin en flexibilité est un impératif. Typiquement les cas où des tonnages importants sont transportés sur de longues distances, ou des fonctionnements en 2*8h si la recharge à mi-journée n’est pas possible. 

En plus du critère de flexibilité, le coût de détention global (le TCO) permettra à une technologie d’être plus pertinente qu’une autre selon le cas d’usage en question.  

*Crit’Air : est un document délivré en France à partir des informations figurant sur le certificat d’immatriculation (ou carte grise) d’un véhicule, attestant de son niveau d’émissions de polluants sur la base de la norme européenne d’émission auquel il répond. 

**B100 : le B100 est un biocarburant composé à 100 % d’Esters Méthyliques d’Acide Gras (EMAG). Il s’agit d’un produit oxygéné obtenu par estérification à partir de matières premières renouvelables biosourcées (huiles végétales, huiles usagées, huiles résiduelles et graisses animales).